Oui, vous avez bien lu le titre. Naka Tatsuya sensei, instructeur JKA 7 ème dan shotokan, m’a fourni de précieux conseils un samedi soir dans un restaurant à Tokyo. Mais avant d’attaquer ces conseils, laissez moi vous raconter la succession des évènements qui nous a menée à nous mettre debout dans ce restaurant et lancer de vigoureux tsuki !
Vidéo en fin d’article 😉
Le premier contact
En préparation à ma visite au Japon courant aout 2014, j’ai tenu à rencontrer un nombre de maitres en karaté de différents styles et à faire des interviews filmés de certains d’entre eux. Naka Tatsuya sensei faisait partie de ma liste de part la qualité de ses techniques et la pédagogie avec laquelle il enseigne dans les séminaires que j’ai pu voir sur youtube.
Seulement voilà, si on n’a pas quelqu’un pour nous introduire, il n’est pas facile de contacter directement un maitre au Japon ou à Okinawa et encore moins de lui faire un interview filmé. J’ai donc du me préparer plusieurs semaines avant même mon arrivée sur Tokyo. J’ai préparé la liste de toutes les questions que je voulais poser aux maitres de karaté, dont Naka sensei, et j’ai commencé à éplucher les sites internet en recherche de moyens de contacter ces maitres.
Concernant Naka sensei, je n’ai pas pu trouver son mail personnel ni un numéro de téléphone direct. Mais après une demi douzaine de mails et de coups de fils au honbu dojo de la JKA étalés sur plusieurs mois, j’ai enfin pu l’avoir au téléphone à la mi-aout alors que j’étais à Okinawa deux jours avant mon envol vers Tokyo.
Au téléphone je lui explique que je suis tunisien, que je voudrais m’entrainer avec lui et que je voudrais l’interviewer, ce à quoi il répond «training ok, but interview it’s difficult». Suite à mon insistance il me demande de lui envoyer les questions par mail et me communique son adresse mail personnelle. Quelques jours plus tard, alors que je suis à Tokyo, il me répond par mail qu’il accepte et que je peux le rejoindre à son dojo de Myogadani un samedi soir !
La rencontre et entrainement au dojo
Me voila donc à Tokyo, mon karate-gi sur le dos et armé de ma caméra et mon trépied, en route vers le lycée Daiichi Junior High School dans lequel il enseigne à 19h avec son épouse, son frère, et deux de ses amis.
Arrivé au dojo je retrouve également maitre Jean Pierre Fischer sur place accompagné de ses élèves qui sont aussi venu s’entrainer avec Naka sensei, un groupe très sympathique. Je monte donc au dojo qui se trouve au premier étage du lycée et je découvre une myriade d’enfants entre 7 et 15 ans de la ceinture blanche aux ceintures marrons et noires qui exécutent des tsuki en criant leurs kiai à chaque mouvement. Peut être 40 ou 50 gamins, voire plus ! Une véritable armée en action 🙂
Naka sensei était de l’autre côté du dojo, en me voyant debout prés de la porte il est venu vers moi en courant le sourire aux lèvres. Il me demande de quel pays je suis, en lui répondant que j’étais tunisien il me reconnait et s’exclame «WELCOME WELCOME !» en me serrant la main bien fort puis il me demande d’aller me changer car le cours n’allait pas tarder à commencer.
Dans ma tête je me dis «voila que ça commence bien» 🙂
Le cours commence et on débute par des mouvements de base: tsuki, uraken, et blocages, avec l’accent mis sur les mouvements des hanches. Puis place au kihon que l’on répète plusieurs fois avant de les mettre en pratique avec un partenaire lors d’un jiyu ippon kumite (combat semi libre). Nous finissons le cours par des kata: Bassai-dai, Jion, et Chinte.
L’entrainement (2 heures) fini, j’ouvre le rituel des photos avec le maitre. Après moi viennent les quatre français, puis deux espagnols. Suite à quoi Naka sensei me dit de me changer et de le retrouver en bas pour aller à un restaurant avec une bonne vingtaine parmi les élèves qui étaient présents.
Moments de détente et début de l’interview
Le restaurant à deux pas du dojo offre une ambiance très amicale, on s’assoit à même le sol, le diner est délicieux et consistant à la fois, le jus d’orange est quant à lui à volonté, ce qui tombe bien vu que je suis effondré après les 10 litres de sueur que j’ai versés sur mon karate-gi lors de l’entrainement 😛
Naka sensei s’assoit au milieu de la table et me désigne la chaise en face de lui, puis place les autres élèves en les organisant par la langue que chacun parle de telle façon que personne ne se retrouve seul. Le jus d’orange arrivé et les premiers Futomaki dévorés, je monte mon trépied et allume ma caméra. L’interview peut commencer !
Je pose les premières question auxquelles Naka sensei répond avec pédagogie, puis deux questions viennent l’une après l’autre :
– Pourquoi est-ce que les maitres d’art martiaux insistent-ils sur la respiration ?
– Pourquoi est-ce que dans le karaté, plusieurs mouvements et déplacements sont fait sur le talon alors que s’ils étaient fait sur la pointe des pieds ils seraient beaucoup plus facile à exécuter ?
Il réfléchit 2 secondes puis se tourne vers moi et me dit d’un air amusé «Do you want a demonstration ?». Une démonstration, un samedi soir, dans un restau blindé, de la part de Naka sensei ? Et comment ? 😀
Les deux expériences par Naka Tatsuya sensei
Nous voilà donc debout, au beau milieu du restaurant exécutant des tsuki, tandis que 3 ou 4 des personnes assises ont dégainé leurs appareils photos et leurs smartphones pour nous filmer.
Pour le premier exercice, il me demande de lancer un tsuki en bloquant ma respiration au moment de l’impact, de la même façon que lorsqu’on veut simuler un kime et donner l’impression que nos mouvements sont nets et décisifs. Je m’exécute, il me donne alors une petite tape sur le poing et je me retrouve poussé vers l’arrière, je perd l’équilibre. Il me dit alors «It’s weak».
Ensuite il me dit de m’incliner comme dans le salut tout en inspirant pendant la descente, ensuite, alors qu’on est incliné, il me demande d’expirer. Même chose en se relevant: inspiration pendant la remontée, puis expiration à la fin du mouvement.
La différence entre un amateur et un expert, c’est la maitrise du détail.
Ensuite il me demande de refaire un tsuki, et frappe ma main encore plus fort que la première fois. Surprise. Je n’ai pas bougé d’un cheveux ! Au contraire j’ai senti tout mon corps, pieds, jambes, dos, épaules, repousser sa frappe. En une fraction de seconde. Comme si c’était un réflexe inné, je n’ai pas eu à y réfléchir, je l’ai juste fait. Inconsciemment.
J’étais tellement surpris que j’ai éclaté de rire. Il me dit alors «This is Karate. Budo Karate».
Puis viens le tour du second exercice, les talons. Il me demande d’abord de sautiller sur place comme ce que l’on fait lors du kumite (combat). Puis me demande de me remettre debout et de faire un tsuki. Il frappe alors encore une fois sur mon poing et je me retrouve repoussé en arrière comme la première fois.
Ensuite il me dit de me mettre debout sur la pointe des pieds et de retomber sèchement sur les talons. Et là, miracle. Je refais un tsuki, il frappe encore plus fort, et comme la première fois, je ne bouge pas d’un centimètre !
Il m’expliquera plus tard dans la soirée que le Karaté sportif, bien qu’important, est plus ou moins devenu un genre de folklore culturel pour amuser la galerie. À l’inverse du Karate traditionnel, il n’est pas basé sur la self-défense, l’esprit même du Budo (art martial). C’est pourquoi le Karate sportif a tendance à oublier ce genre de petits détails extrêmement importants.
Je me suis alors rappelé des mots de mon maitre de Karate dans ma ville natale de Gabès, Brahim Zarati sensei: «La différence entre un amateur et un expert, c’est la maitrise du détail».
Voici la vidéo, n’hésitez pas à la partager ainsi que cet article. Car comme le dirait un certain Dalai Lama: Partages tes connaissances, c’est une des voies vers l’immortalité 😉
Voilà donc le récit de mon samedi soir lors duquel Naka Tatsuya sensei m’a enseigné deux astuces qui trouvent leur origine dans les racines même du Karate traditionnel. Essayez-les, mettez-les en œuvre, et dans tous les cas, dites moi ce que vous en pensez dans les commentaires ci dessous ou si vous avez des astuces ou des anecdotes similaires n’hésitez pas à les raconter, je suis curieux de connaitre votre avis 😉
quand on regarde comment travail les Japonais,ont ce dit que malgré tout , ça fait partie de leurs patrimoines. dommage quand Europe on ait temps de mal a assimiler ces techniques de karaté-do basé complètement sur les anches, la respiration et le relâchement total du corps ( CET ART DE VIVRE). Grand Merci a ces senseïs …